ZALANDO : ET SI C’ÉTAIT UN MAL POUR UN BIEN ?

Il n’est pas dans mes habitudes d’exprimer mon opinion sur les dossiers en cours, les dossiers réussis ou ceux qui nous ont échappés. Toutefois, l’émoi provoqué par la décision de Zalando de ne pas s’installer en Wallonie est tel qu’il me semble indispensable de prendre du recul et d’analyser la situation en tentant d’en tirer les principales leçons.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce cas ?

Tout d’abord, l’accueil des investisseurs en Wallonie fonctionne bien voire même très bien. Pendant deux ans, l’AWEX et l’IDEA ont mené un travail remarquable et de fond permettant d’activer toutes les ressources locales et régionales afin de lever un à un les écueils qui se présentaient sur le chemin. Nous devons donc tirer un grand coup de chapeau aux personnes (elles se reconnaîtront) qui se sont investies dans ce dossier.

Toutefois, nous manquons d’agressivité et là, nous devons changer notre logiciel. Les Belges sont connus pour leur modestie ; cela se traduit aussi dans notre attitude par rapport à nos partenaires commerciaux. Nous adoptons une attitude constructive mais pas assez assertive. Or, à ce niveau, nos « amis » néerlandais (dans ce cas) font preuve d’une assertivité et d’une agressivité qui nous manquent. Un dossier d’investissement est influencé par une kyrielle de paramètres tant objectifs que subjectifs. Et, en bout de course, lorsque tous les paramètres objectifs sont alignés et équivalents, ce sont les paramètres subjectifs qui font la différence un peu à l’image d’une plume qui ferait pencher une balance de deux plateaux avec 100 kg de plomb.

Les réactions à l’annonce de Zalando sont parties dans tous les sens avec des réflexes politiques et corporatistes regrettables. Passons sur les commentaires politiques mais fédérations et syndicats sont à renvoyer dos à dos. COMEOS, dans son rôle de fédération sectorielle, pointe le manque de flexibilité pour le travail de nuit alors que celui-ci est dorénavant possible (mais en commission paritaire logistique et non commerce). De son côté, dans son excellent communiqué publié hier, la FGTB rappelle que le climat social est bon dans une grande majorité des entreprises mais occulte d’autres aspects.

Mais les syndicats en général ne peuvent se dédouaner de leur écrasante responsabilité dans l’image de la Wallonie renvoyée à l’étranger. Des feux de pneus et de palettes aux accès des parcs industriels ou un pont bloqué empêchant un chirurgien de se rendre au chevet d’une patiente font des dégâts qu’aucune campagne de promotion ne peut rattraper ; il y a une urgence absolue pour une prise de conscience à ce niveau. En ce sens, la perception est plus importante que la réalité, malheureusement ! Cela vaut également pour la presse qui relaie trop souvent de manière exagérée les expressions de la contestation sociale.

Reste une question cruciale, comment Zalando va-t-il recruter 1.500 personnes aux Pays-Bas alors que les articles se multiplient sur les media spécialisés pour mettre en lumière la pénurie de main d’œuvre chez nos voisins du Nord. Et bien là, cet excellent article de Gondola nous donne un début de réponse. Le succès de l’e-commerce aux Pays-Bas (plus de 16.000 emplois créés au cours de ces cinq dernières années) reposerait sur un recours massif à du personnel polonais détaché dans les centres logistiques. Est-ce là le genre de projets que nous voulons ? J’ose dire non. Nous voulons des projets permettant de faire sortir nos concitoyens de la précarité et du chômage et non pas des projets dans lesquels les travailleurs ne feraient pas tourner l’économie locale.

L’Echo écrit que « Il y aura un après Zalando » en Belgique ; je l’espère. J’appelle à une prise de conscience généralisée de chacun sur ses propres responsabilités ainsi qu’un changement de mindset nous rendant plus assertifs voire agressifs dans l’accueil d’investisseurs.

D’autres projets s’annoncent encore. La logistique en Wallonie a encore de beaux jours devant elle.

Bernard Piette
Directeur Général de Logistics in Wallonia